4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 23:01
Une ville berceau de nombreux artistes aux tableaux naïfs, symboliques, révolutionnaires, déchiquetés, cubiques, étranges et passionnants. Une ville à l'architecture pleine de remous, d'ondes et de vagues de couleurs. Une ville qui semble ne jamais vouloir dormir, ni se reposer tant l'effervescence et l'agitation de ses habitants y sont incessantes, intarissables. Une ville au chocolat chaud corsé et puissant. Une ville au port planté de palmiers. Une ville catalane : Barcelone...



Escapade d'octobre 2009



1er JOUR : MARDI 20 OCTOBRE 2009

Cela fait quelques semaines que je prépare ce petit voyage de 4 jours. Tout a commencé par l'achat du Guide du Routard en septembre en me disant que ce serait pour plus tard. Puis sont venus le plan de la ville, "l'Auberge Espagnole" revue pour la 50ème fois dans mon canapé un dimanche après midi pluvieux et pour finir l'acquisition du Moleskine de Barcelone. Il était évident que j'avais toutes les clés en main pour partir...

Je pars de Rennes après avoir passé la nuit chez mon frère. Il est 7h00 du matin, l'air brumeux est dissimulé dans la nuit matinale, je marche vite chargée de mon sac à dos, une petite boule au ventre : 1, je suis toute excitée de partir, 2, j'ai un peu peur de partir , et 3, la SNCF annonce un mouvement de grève pour la journée et mon avion décolle de l'aéroport d'Orly à 12h30. Si je n'arrive pas à temps...

Finalament, à 12h20, je suis installée place 3F à côté du hublot du vol VY 1940 à destination de Barcelone. La carlingue est un peu bahutée, secouée et étourdie par les perturbations et les couches de nuages que nous traversons au moment de la descente et de l'approche de l'aéroport d'El Prat. Je risque un regard par le hublot malgrè ma crispation croissante... et là je découvre la mer piquée de quelques écumes blanches de vagues, et levant mes yeux : Barcelone. Trompettes et confettis au fond de mon ventre lorsque j'aperçois les flèches de la Sagrada Familia gardée par ses grues de hauteur vertigineuse, les rues bien dessinées à l'angle droit de l'Eixample, les labyrinthes de la Ciutat Vella, la colline de Montjuïc, le port etc... Tout ce que j'ai pu imaginer et espérer au fil de mes lectures du Routard, du site de l'office de tourisme de Barcelone et de blogs est là, presque à portée de main. Les rues et les lieux tracés sur mon Moleskine de voyage trouvent enfin leur visage.

Après avoir pris le bus qui me dépose sur la Plaça de Catalunya, je me retrouve plongée dans un brouhaha de klaxons, de circulation de voitures et d'une foule de piétons. Je cherche ma route sur mon plan, et me mets vite à l'abri de tout ce vacarme dans le calme des ruelles de la vieille ville ; c'est dans ce quartier que se trouve mon auberge de jeunesse. Je ne tarde pas à la trouver et suis accueillie chaleureusement. Je rentre dans ma chambre dortoir de douze lits et finis par trouver le mien. Chaque lit est dans un petit cocon réalisé par d'ingénieuses cloisons de bois et des rideaux bleus. Je suis installée dans une sorte de mezzanine en haut de laquelle je hisse mon sac. A chaque fois que j'arrive dans un nouvel endroit, une nouvelle ville, je ne peux m'empêcher de penser à tout ce qui m'attend, à tout ce qui est là, enfin accessible.

Le Musée Picasso a été installé dans cinq palais construits autour d'une belle cour au milieu de laquelle trône un grand palmier. On accède aux salles en gravissant les marches d'un escalier de pierres imprimé de la couleur nuageuse du ciel de pluie qui règne aujourd'hui, tout est d'une grise douceur. 1700 oeuvres sont mises en valeur ici. On y trouve beaucoup des premiers dessins de Picasso sur papier ou sur bois, comme autant de souvenirs de vacances et de pages de carnet de voyages. Des paysages maritimes, quelques portraits des membres de sa famille. Une grande partie de la collection de l'Epoque Bleue est accrochée là, dévoilant tantôt des visages sereins et tantôt des corps décharnés, comme "Le Fou" peint en 1904.


" J'ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant ". Nous arrivons ensuite devant des tableaux aux lignes de plus en plus cassées, de plus en plus cubiques comme le "Caballo Corneado" peint en 1907.


Je me sens très émue de me tenir devant ces oeuvres réalisées, touchées du pinceau par Picasso il y a bien longtemps. C'est intime et poignant.



Je décide de continuer ma journée à flâner pour avoir un premier aperçu de Barcelone. Il est 19h00 et les rues semblent chavirer dans une folie d'empressement. Des femmes font leur shopping, des groupes d'amis se retrouvent après le travail, tout ce monde se presse, rit, parle fort dans une langue à laquelle je ne comprends strictement rien. Mais peu importe, elle semble rouler dans le courant d'un torrent glacé de montagne et est en même temps ensoleillée de vacances. Le Mercat Gothic vient de s'installer sur ses étalages dans le quartier gothique. C'est un marché de brocanteurs et d'antiquaires, proposant de jolis souvenirs pleins de poussière et d'images saintes, de crucifix de toutes sortes. Tout brille sous la lumière des lampadaires, en attendant de trouver un acquéreur.



Je continue dans les dédales de ce quartier en quête d'un endroit où manger. Il est 21h00, je sais que c'est encore un peu tôt mais pour un premier jour, cela suffira. L'atmosphère feutrée dégage une douce chaleur apportée par le vent du soir. Il fait incroyablement bon, comme par une belle soirée de septembre au bord de la mer. Quelques airs de flamenco et d'accordéon s'échappent tour à tour des coins de rues, les musiciens jouent dans la nuit de douces complaintes.

"Taller de tapas". Je m'installe à son comptoir qui renferme du poisson frais, des pimentos de Padron, du fromage de brebis et de la tortilla. Je choisis du "bonito en la plancha", une tranche de thon grillée servie avec de la ratatouille presque confite dans de l'huile d'olive. Je dévore ce repas avec un verre de vin rouge fort en goût et en tanin, et je le termine par une crème catalane, l'équivalent de notre crème brûlée. Un délice, je soupire d'aise et discute en anglais avec Luigi, le serveur qui m'a vu ravie de son vin.

Je rentre dans ma cabane, repue et enchantée de cette première journée...


2ème JOUR : MERCREDI 21 OCTOBRE 2009

Je me réveille en entendant l'orage gronder et la pluie battre les fenêtres, je crois que la visite de quelques musées à l'abri s'impose...

Je tente une première expérience dans le métro de Barcelone pour me rendre sur la colline de Montjuïc. Celle ci domine la ville et son port et aurait accueilli une communauté juive au XIV ème siècle. C'est aussi une île de musées perdue au milieu d'une belle et douce forêt de pins. En métro, on y arrive par la Gran Via de les Corts Catalanes, large boulevard avec pour point de mire le Musée National d'Art de Catalunya, superbe bâtiment qui surplombe la ville triste, grise et embrumée sous la pluie incessante.


Je me rends au Caixa Forum, un centre d'art construit dans une ancienne briqueterie dont la cheminée aux tons de tomettes de Provence s'élève dans le ciel. Une exposition dévoilant les origines de l'Islam y est installée et me donne l'occasion d'admirer de belles estampes, gravures, bijoux de dentelle d'or et mosaïques bleues azur. Je fais un tour à la boutique du musée qui propose un large choix de livres de peintures, photographies, sculptures, divers arts graphiques, graffitis. Tout me fait envie...

Je rejoins la fondation Miro en gravissant la colline Montjuïc par les jardins de Maragall. je marche sur des petits sentiers détrempés à l'odeur épicée d'eucaplyptus révivée par l'eau de pluie. Les feuilles vertes brillent de 1000 gouttes, les feuillages gris tombent sous le poids de l'eau de part et d'autre de ma route. Tout est bercé de calme par la comptine de la pluie. Les lampadaires noirs bordant le sentier ont des formes fantômatiques décharnées sous cette pluie. Je marche seule dans ce parc, silhoutte furtive cachée sous mon parapluie noir dégoulinant sous lequel un chat famélique vient se mettre à l'abri... Plic, ploc, plic, plic, il pleut, ça ne s'arrête pas et je suis complètement perdue. J'erre ainsi une bonne demie heure avant d'arriver enfin devant la façade blanche de l'entrée de la fondation Miro. Enfin au sec... Le mur de la première salle est tapissé d'une tapisserie faite de laine colorée, de jute et de jets de peinture. Tout est mélangé dans un chaos de couleurs, j'adore. Puis je découvre les peintures aux formes enfantines, mais pas si naïves que ça à y observer de plus près...

Le temps d'acheter une carte postale et me voilà dehors, constatant avec plaisir que le soleil gagne du terrain sur ce triste ciel de traîne. J'emprunte le funiculaire rouge qui me redescends jusqu'à Paral-el.
Je reprends le métro pour descendre à Passeig de Gracia, la fameuse avenue bordée des maisons toutes droit sorties des rêves et de l'imagination de Gaudi. Mais avant, le musée Tapiès est tout près et je désire aller voir ses oeuvres en "vrai", pour ne les avoir que deviner en photographie sur le tract d'une exposition à Toulon il y a bien longtemps. Malheureusement, les murs de la fondation sont en rénovation et fermés jusqu'à la fin de l'année. Dommage. Mais le repas que je déguste dans une petite brasserie finira de me consoler, avec une salade de fèves chaudes, mijotées, compotées dans de l'huile d'olives et parsemées de morceaux de jambon ibérique. Un pur délice qui remonte ma maigre estime des fèves que j'avais jusque là !!!

Je me promène ensuite le nez au ciel, à l'affût des façades des habitations dignes des rêves d'Alice au Pays des Merveilles tant leur architecture est originale, unique et tellement étrange... Les murs sont surchargés de mosaïques, les balcons arborent les ouvrages en fer forgé les plus étonnants. Tout n'est que douceur des courbes, chaleur des rondeurs et évoque des morceaux d'éponge, des squelettes, des végétaux ou le Nautilus de Jules Verne. J'entre d'abord dans la Casa Mila ou Casa Pedrera, à l'aspect ondulé comme celui du lit d'une rivière.


L'intérieur tout aussi étrange est plongé dans une aura de vert et de rose pastel, que seule la rembarde d'escalier de bois foncé vient animer pour mener jusqu'à la terrasse. De celle ci, on remarque davantage l'étonnante architecture complexe de cette demeure. On se retrouve ainsi sur une sorte de chemin de ronde qui en fait le tour, parmi d'imposantes cheminées en terre cuite. Elles sont presque irréelles, au delà de toute imagination. Et quelle vue sur Barcelone !!!

En redescendant, on s'arrête à l'étage le plus haut pour visiter quelques pièces de vie meublées et décorées d'art moderne. De certaines fenêtres, on aperçoit la forme végétale des balcons ressemblant à l'entrée d'une grotte. Tout est dominé par une belle harmonie de courbes, jusqu'aux fauteuils...

Sitôt sortie de cette habitation, je traverse la rue pour me rendre quelques maisons plus loin à la Casa Battlo, célèbre avec son toit en dos de dragon. Construite entre 1904 et 1906, elle est aujourd'hui encore habitée par les descendants de la famille Battlo.

Ici, on s'imagine vite au fond de l'eau grâce au bleu envoûtant qui domine tout dans un riche camaïeu de carreaux de faïence.

Le plafond est habité d'une goutte d'eau indissoluble aux ondes délicates qui s'en échappent, il ne manque plus que le bruit des clapotis. Les fenêtres sont là, baignées de bulles de verre colorées à leur surface et les vitres transparentes ondulées métamorphosent les murs bleus en plaine maritime douillette.
Cette demeure est parcourue d'une vague gracile infinie et douce. Les murs sont imprimés des mouvements des algues qui dansent avec les courants marins, les piliers qui encadrent les fenêtres sont des fanons, je suis dans les entrailles d'une baleine, éclairées d'une douçâtre lumière. Les balcons des étages supérieurs sont des coraux cachés au fond de l'eau, je traverse des couloirs aux halos d'une lumière blanche incroyablement confortable et chaleureuse.
Il flotte des airs de musique douce et des effluves d'huiles essentielles venus d'on ne sait où. Je me sens bien, à l'aise et subjuguée par cette atmosphère feutré. J'arrive sur le toit en haut duquel je peux observer de plus près ce toit d'écailles de dragon, vertes, bleues et rouille. Le moindre détail est en soit une oeuvre de dégradés de couleurs.

Je redescends peu à peu les escaliers, au fur et à mesure le bleu profond du dernier étage s'estompe pour devenir très pâle, imperceptible.

Je retrouve le Passeig de Gracia et ses tracés de rues rectilignes, comme si un géant avait tendu un fil pour les structurer. Tout le contraire des quelques constructions que je continue de voir ici et là. Je me plonge finalement dans la carrer Banys Nous qui abrite beaucoup d'antiquaires, de brocanteurs et de vieilles librairies. L'air ambiant respire la poussière et le vieux papier jauni, on a l'impression de flâner dans un grenier... Je recherche une vieille affiche de flamenco. Au 4, c. Banys Nous, je m'arrête à la "Granja". Les granja sont des sortes de salons de thé dans lesquels ont sert tout particulièrement du chocolat chaud. Je demande donc un "xocolata" avec une brioche légèrement voilée d'une fine poudre de sucre. On m'apporte une tasse de chocolat à l'aspect crémeux, comme une pâte liquide noire. Le goût est puissant, corsé et chaleureux, plien d'une amertume tenace. Je sens que je vais vite devenir accro à cette boisson que les barcelonais semblent savourer à toute heure. Je suis assise à une petite table de bistro en marbre, il flotte un air jazzy et les murs bleus de Crête et ocres croulent de vieilles affiches et de trésors chinés dans les marchés aux puces. Je décide de passer un peu de temps ici, pour me reposer et écrire un peu mon carnet de voyage.

Je poursuis ma route pour me retrouver tout naturellement sur Las Ramblas, cette célèbre avenue qui traverse le centre de Barcelone. Elle débouche sur le port qui est protégé par une immense statue de Christophe Colomb sur la Plaça del Portal de la Pau. Cette longue avenue arborée et longue de 1200 mètres est le souvenir du lit d'une ancienne rivière. Elle est un lieu de balade nocturne très prisé, il est de coutume d'aller jusqu'au bord de l'eau, de faire demi tour et de reprendre les Ramblas dans l'autre sens. A cette heure ci, le monde et l'agitation commencent à prendre possession des lieux pour le restant de la soirée. Les peintres, artistes et vendeurs de souvenirs espagnols fabriqués en Chine s'installent peu à peu, dans un ballet bien connu et répété chaque soir. Des mimes font rire les passants dont je fais partie, cette animation me rend légère, je me sens bien perdue dans cette foule.
les mimes des Ramblas


Le ciel est complètement dégagé, le soleil pointe encore, qui pourrait croire au déluge de ce matin ? Le port n'est pas loin, la Rambla del Mar non plus, je continue. A mon arrivée, je suis intriguée par des rires de petite fille et des cris de mouettes. Une femme jette du pain à la volée pour les mouettes qui forment maintenant un cercle autour d'elle, pour le plus grand bonheur de la fillette dans sa poussette.

Une passerelle mène jusqu'au Maremagnum, grand centre commercial comme sorti des eaux. Au loin, on aperçoit les câbles du téléphérique qui passe au dessus de la baie pour se rendre jusqu'à Montjuïc. Cette balade dans les airs me tente, mais je suis trop trouillarde du vide pour me lancer, ou plutôt ma balancer dans une petite cabine rouge au dessus de l'eau... Je me contente de regarder le soleil se coucher entre ces fils et ces armatures métalliques aux aspects de petites Tours Eiffel.

Je m'assois ensuite sur un banc au bord de l'eau, avec vue sur la Rambla del Mar dont les alignements de palmiers répondent avec justesse à la forêt de mâts se balançant à quai. Je décide d'écrire un peu mon carnet à la lueur d'un lampadaire. Puis, je repars décidée à trouver un endroit où manger. Dans une toute petite rue, des bruits de verre, des rumeurs de conversation s'élèvent peu à peu. J'arrive alors dans un bar à Tapas comme on en trouve dans le Pays Basque espagnol, cela me rappelle mes premières vacances en Espagne. Les jambons, les chorizo pendent au plafond. Le comptoir est envahi d'assiettes de fromage, de charcuterie et des verres des habitués très nombreux ici. Les barcelonais présents ici sont à l'apéritif. Je commande un verre d'une sorte de rosé pétillant et un bocadillo au lard grillé dans la cheminée juste derrière. Je me régale, ça dégouline le long de mes doigts mais quel délice ! Et quelle euphorie d'être perdue dans un endroit aussi animé. Je finis par discuter avec Roberto qui m'explique que ce bar ci est très prisé par les Barcelonais et très peu connu des autres gens. J'ai eu de la chance de tomber dessus par hasard.

Toute cette animation, ces conversations, ces gens dehors, cette vie nocturne et la douceur du soir (ou plutôt de la nuit vue l'heure avancée) me tiennent éveillée au point que je ne veux pas rentrer. Je marche dans le quartier de la Ciutat Vella et arrive sur une place que je reconnais bien pour l'avoir vu dans "L'Auberge Espagnole", la place Reial. Sa forme carrée est délimitée par de hauts bâtiments style napoléonien aux murs jaunes.

De grands palmiers trônent au milieu et les arcades tour autour abritent de nombreux bars et restaurants. Je me décide enfin à terminer ma journée en rentrant lentement à l'auberge, passant par des petites rues encore non empruntées jusque là. Les lumières dessinent des ombres de gargouilles démesurément grandes sur les murs. Le vent joue avec les feuilles de palmiers qui cachent les lampadaires de temps à autres.

C'est ainsi que j'arrive sur la Plaça del Rei, petite cour intérieure par laquelle on arrive par une seule rue. Je m'assois sur les marches du palais. Quelques notes de musique accompagnent la nuit dans des airs d'Orient au violon. J'écoute, transportée loin, loin par cette douceur. C'est totalement envoûtant, je suis ailleurs en étant déjà ailleurs...




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